Joël Soler - 50 jours dans les geoles turques
Après 50 jours passés dans la prison de Maltepe à Istanbul, l’un des pires centres d’incarcération turcs, et deux mois et demi en résidence, le réalisateur français Joël Soler a été autorisé le 29 janvier 2021 à quitter le territoire. Joël Soler était en repérage en Turquie dans le cadre de sa prochaine série documentaire consacrée à l’histoire des Rois mages ! Un film si différent de ses réalisations précédentes, qu’il n’imaginait pas un instant vivre le calvaire qui s’annonçait. Mieux, il espérait enfin que ce thème sur les Rois d’Orient lui assurerait une tranquillité ! Documentariste reconnu, Joël Soler s’est attaché ces 15 dernières années à réaliser des documentaires sur le terrorisme et les dictatures : Uncle Saddam (HBO/TF1), Bin Laden, Dynasty of Terror ou encore la série Despot Housewives (Canal +/France Télévision).
Le 30 septembre, alors qu’il s’apprête à prendre son vol pour Paris, Joël Soler est une première fois arrêté et interrogé par la police des frontières à propos d’une pierre achetée sur un marché. Après plusieurs heures d’interrogatoire et l’expertise de cette dernière, la police turque reconnaît qu’elle ne présente aucune valeur patrimoniale et archéologique. Joël est alors autorisé à prendre son avion. Alors qu’il est installé à bord du vol pour Londres, la police turque lui demande de descendre et de la suivre. S’ensuit alors un long interrogatoire essentiellement basé sur son travail, ses films et sur l’objet de son repérage en Turquie. Après plusieurs heures, on lui signifie sa mise en détention et le transfert à la prison de Maltepe, de triste réputation. Il y passera alors 50 jours. 50 jours durant lesquels, il affirme n’avoir eu aucun contact avec le consulat français pourtant prévenu de son incarcération. Joël est libéré le 19 novembre 2020, puis interdit de quitter la Turquie pendant deux mois et demi. Son procès s’est tenu le 28 janvier 2021, il en sortira libre avec l’autorisation de quitter le pays.
Sans contact avec les autorités françaises, atteint du Covid contracté en cellule, souffrant de dermatoses importantes, malmené, battu par ses codétenus, Joël a passé 50 jours en enfer. Un Midnight express difficile à imaginer. Pour lui, il ne fait aucun doute, les autorités turques n’ont jamais cru en sa version d’un documentaire sur l’histoire des Rois mages : « J’ai été clairement l’otage du régime Erdogan dont l’objectif était de m’intimider pour ne pas faire un film sur la dictature la plus brutale aux portes de l’Europe », a-t-il déclaré à son retour à Paris.
Joël Soler est adhérent de la Garrd – Guilde des Auteurs Réalisateurs de Reportages et Documentaires – et à ce titre notre syndicat s’interroge : les dispositions consulaires ont-elles bien été mises en place ? Un fait est certain, Joël Soler affirme n’avoir jamais eu de contact avec le consulat durant sa détention. A-t-il été sacrifié à l’aune des relations diplomatiques franco-turques ? Elle s’alarme du non-respect de la convention de Genève lors de cette détention. Elle s’inquiète également de la non-protection dont sont victimes les réalisateurs qui de par leur statut n’ont pas accès à la carte de presse. Un sésame qui peut aider nos consœurs et confrères travaillant dans des pays où la démocratie n’est pas un des piliers majeurs.
Pour finir, la Garrd s’inquiète du silence abyssal durant sa détention, de la société de production avec laquelle Joël Soler travaillait sur son film. A ce sujet, la Garrd dénonce depuis sa création le risque que représente l’absence de lien contractuel entre le producteur et l’auteur, dans l’étape de développement des documentaires. Il est grand temps de sortir de l’informel, car l’absence de contrat représente, outre le risque financier, un risque quant à la sécurité et l’intégrité physique et psychologique de l’auteur, comme le prouve la morale de cette histoire. Par ailleurs, la Garrd s’étonne des propos tenus par la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, qui déclarait suite à la détention de Joël : « En matière de protection consulaire, nous avons fait le maximum » ! Des propos plus que surprenants. La Garrd demande qu’une enquête administrative soit ouverte. D’autre part, elle attend du ministère de la Culture que des solutions soient trouvées afin que les réalisateurs indépendants, sans lien contractuel, ni rédaction à leurs côtés, puissent demain exercer convenablement leur métier et être à ce titre préservés. Aujourd’hui, atteint de stress post traumatique, Joël essaie de reprendre le fil de sa vie.
Elizabeth Drévillon

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